Lui parler ça t’avait fait du bien, tu avais l’impression que c’était la seule qui te comprenait vraiment et pourtant tu ne la connaissais pas, enfin tu avais entendu son histoire, la triste disparition de son mari, la raison de sa présence à ce groupe de parole. Elle aussi elle avait perdu un proche comme toi t’avais perdu Amélia, l’amour de ta vie. Tu avais touché le fond et tu essayais de remonter à la surface mais cela n’était pas évident. C’est toujours plus facile de fuir ou de se renfermer dans sa peine, ça te fait souffrir toi oui c’est sûr, mais il n’y a pas que toi en jeu, ça fait aussi souffrir tes proches parce qu’eux ils veulent que tu t’en sortes malgré tout. Ils veulent que tu surmontes cette peine, la perte de cette femme qui te rendait si heureux et que tu te débarrasses de cette culpabilité. T’as toujours en tête le fait que si tu avais pu voir qu’elle n’était vraiment pas bien dans sa peau tu aurais pu faire quelque chose, tu n’es pas la voix de la sagesse mais voilà tu te dis toujours que tu aurais pu faire plus mais non. Tu ne sais pas si elle avait prévu ou non de mettre fin à ses jours depuis longtemps, tu n’en sais rien et tu ne le sauras jamais. T’as juste dans tes souvenirs le fait que tu l’aimais plus que de raison et qu’elle avait l’air heureuse, et c’est apparemment ce qu’il faut que tu retiennes. Tu suis Talia en dehors de ce préfabriqué, après tout personne ne pourra vous empêcher de partir, être ici n’est pas une obligation. Vous aviez dans l’idée d’aller manger un donut enfin une pâtisserie qui vous ferait du bien à l’abri des regards attristés et condescendants. Certains avaient, comme toi, du mal à faire leur deuil ou certains venaient juste pour ne pas être seul chez eux, c’était devenu un rituel pour eux. Toi tu étais là parce que t’avais suivi le conseil de ta famille, tu ne savais pas si tu croyais ou non au fait que cela faisait du bien d’en parler. À vrai dire, ça te terrifiait presque d’en parler, tu repensais à chaque fois à la vidéo, et tu te refermais sur toi-même comme une huître, si bien que tout partage était clairement impossible. Manger une viennoiserie autre part que dans cette ambiance morbide, te ferais du bien, tu le savais. Tu la suivais donc jusqu’à la Maria’s Bakery, la boulangerie/pâtisserie de ton quartier qui faisait aussi salon de thé. Ça faisait bien longtemps que tu n’étais pas venu ici et ça te rappelait quelques souvenirs de ton ancienne vie. Vous vous installiez à une table un peu excentrée des autres et commandiez un donut comme prévu pendant que vous y étiez, tu lui proposes de prendre un café ou une boisson chaude. Tu veux autre chose en plus du donut ? Un meilleur café que celui de tout à l’heure ou une autre boisson chaude ? Demandes-tu donc avec un sourire à tes lèvres. Tu te sentais mieux ainsi, tu ne pouvais pas dire que tu étais heureux mais tu te sentais bien, c’était déjà une bonne chose.