sweet dreams / neglas

douglas, le nez plongé dans ses copies. il lit de ses absurdités, il lève la tête pour lui raconter, parce que même la prof de maths pourrait se rendre compte de la bétise de ce que son élève avait écrit. sauf que… y a personne en face de lui. ça fait un moment qu'il l'a pas vu. il a essayé de l'appeler, il s'est inquiété, il s'est renseigné, il est allé toqué chez elle et c'est la que le proprio lui a annoncé. elle est parti, elle a pas laissé d'adresse. pas de mot. rien. il avait senti son coeur se soulevait comme il aurait jamais cru ressentir ça. comme dans les bouquins dans lesquels ils se plongent sans arrêt. merde. c'était trop bête. trop soudain. son cerveau voulait pas s'y faire. il s'attendait toujours, pendant ses longues séances de correction de copies à ce qu'elle passe le pas de la porte, envoyée là par un des employés du ménage. mais elle passe pas. elle passe plus. il est tout seul avec ses copies toutes plus barbantes les unes que les autres, ou peut-être que c'est pas la faute des élèves mais de la sienne, lui qui a perdu son romantisme et son amour des mots, de la vie, de l'art. il arriva pas vraiment à trouver un sens à tout ça et celui qu'y donne ses élèves lui semble plat et faux et naïf. il croit qu'il a tout vu alors qu'à presque 40 balais c'est son premier vrai chagrin d'amour, sans qu'il le sache, sans qu'il le comprenne, coeur amoché par la peur et la solitude qui a trop longtemps était la sienne. il a pas pleuré, il a pas tout cassé comme dans les films il a juste arrêté de ressentir quoi que ce soit. tel un robot qui ne fait que survivre, essayant de trouver du réconfort dans la boisson mais il sait bien que c'est con et que ça sert à rien mais il essaye de ressentir quelque chose, ça marche pas, évidemment mais il sait pas quoi faire d'autre. alors il lit une énième copie et ses paupières se font lourdes… // le soleil qui brulent ses paupières encore fermées lui fait froncer les sourcils. il grogne légèrement, entendant vaguement un sursaut et le bruit de chaussures qui claquent sur le carrelage en approche, son cerveau est pas encore apte à interpreter ce que ça veut dire où à totalement assimilé ce que ses oreilles perçoivent. la sonnerie fracassante du lycée il a l'impression qu'ils la transmettent directement dans son tympan. de bon matin, avant le café, y a qu'une voix rauque à l'accent écossais on ne peut plus prononcer qui sort de sa gorge “ merde… ”  il ouvre les yeux et tombe presque de sa chaise en se relevant doucement, la tête comme dans un étau quand il voit qu'il n'est pas seul. encore dans le cirage, il se dit qu'il est peut-être encore en train de rêver, il se dit que son cerveau lui a envoyé une créature divine, après tout personne n'est aussi frais le matin si, et puis y a le soleil qui fait briller ses cheveux et ses yeux d'une façon beaucoup trop parfaite pour être vrai, alors il se dit qu'il peut tenter un de ses phrases des plus ringardes. “ woah, les anges sont vraiment beau au paradis… même si le paradis ressemble vachement à une salle de classe miteuse… ”  il regarde autour de lui… ouais, il commence à réaliser qu'il a dit une connerie, qu'il est pas en train de rêver et que par conséquent la baffe qu'il va se prendre dans la gueule probablement va réellement faire mal… “ sorry i… welcome to carpinteria high ”  à toucher le fond et creuse encore. pas de présentation et pas encore le cerveau qui a capté que des élèves vont surement pas tarder à passer le pas de la porte et le fait qu'il devrait vraisemblablement être dans une autre salle de classe. ainsi que le fait qu'il est tout débraillé, chemise mal boutonnée, cheveux décoiffés par sa sieste imprévu. ça va faire jaser ses élèves, c'est une certitude, surtout qu'il a toujours pas capté et qu'il va donc très vraisemblablement arrivé en retard à son cours, mais il reste là, à fixer la nouvelle prof, visiblement, comme un con.