James est parti. Dax a perdu son meilleur ami aujourd’hui. Ne pas pleurer est difficile. Il n’a pas dit au revoir et ça fait mal au cœur. Du jour au lendemain, l’adolescent a disparu. Dax est resté longtemps sur les rochers à regarder la mer. James avait quelque chose d’important à lui dire. Des excuses peut-être ? Ils n’ont jamais reparlé de la fois où le fils du fermier l’a embrassé. Depuis ce jour, quelque chose a changé. La nuit est vite tombée, l’adolescent de seize ans est passé par la ferme. Le père est sorti. Ça lui faisait tout drôle à Dax à chaque fois qu’il le voyait de se dire qu’il avait aidé sa mère à accoucher et que sans lui, il serait peut-être pas né. Cette fois, l’homme ne souriait pas. Il n’a pas parlé à Dax. Pas prononcé un mot. La porte à claque laissant un silence pesant et lourd en guise de réponse.  
La marque laissée par la claque est restée longtemps imprimée sur sa joue. Le père qui hurle, Ma qui pleure en épluchant ses patates. Dax ne comprend pas. Souillé qu’il dit. Il s’est laissé souiller par le fils du fermier. Il pue l’alcool. Les relents couvrent l’odeur de la soupe qui mijote. Il ressemble à un animal enragé. Dax cligne des yeux. Il doit y avoir un malentendu, mais le père n’écoute pas. Son fils est une tantouze. C’est ce qu’il a dit. Comme à chaque fois, Dax se tait. Il laisse le silence répondre à sa place. Que dire de toute façon ? Il sait comment ça va se terminer, le schéma est toujours le même.  Et puis, il s’en fou : James est parti, et ça fait bien plus mal que les coups qu’il va recevoir.

La grosse main vient ébouriffer les cheveux de Dax avant d’empoigner les lanières d’un sac vert kaki. L’uniforme souligne encore plus la carrure imposante de Danny. Dax est impressionné par son père. Il va défendre l’Amérique et ses valeurs. La famille républicaine est fière. Il n’en n’a que pour quelques mois. Il dit qu’il reviendra vite, qu’il ne faudra pas longtemps pour exterminer les traitres. Son père n’a jamais été quelqu’un de nuancé. C’est tout blanc, ou tout noir, et Dax le sait, Danny préfère le blanc. Dax à voir son père fanfaronner que ça sera comme à la chasse, ne peut s’empêcher de taire la voix au coin de sa tête qui se demande s’il est bien son fils. Son père, il l’aime. C’est un héros d’aller combattre si loin de la maison.
Aujourd’hui, cela fait un an et trois mois que Dax n’a plus de nouvelles de James. Sa mère a entendu dire à l’église qu’il avait changé d’école, que ses parents l’avaient mis en pension quelque part au Texas. Dax, le sait : James l’aurait prévenu, on ne change pas d’école du jour au lendemain. Depuis, Dax s’était concentré pour racheter ses fautes (qu’il n’a toujours pas comprises). Il avait cessé de ramener des bouquets à sa mère, s’était intéressé à la soudure, avait développé son buste, avait laissé sa barbe prendre possession de son visage. Il avait même accepté d’aller tous les dimanches à la chasse avec son père. Quelques claques s’étaient perdues depuis, mais rien de comparable à la soirée où James a disparu.
Son père embrasse sa mère, claque aux fesses pour garder la forme en mémoire qu’il dit et il s’en va tandis que Joséphine glousse et ravale ses larmes comme elle le peut. La voiture disparaît, et un poids quitte les épaules du fils. Il sourit, demande s’il pourra retourner à l’église à présent que Danny est parti. Elle secoue la tête par la négative, trop de gens vont parler, et ils parlent déjà trop.

Les yeux rouges et bouffis, il observe la vieille maison qui l’a vu grandir. Une bière blonde à la main, toujours en canette,  l’cul posé sur son rocking chair datant des années 20, Dax est silencieux. Les larmes ne coulent plus. Ma est morte. Sa gorge lui fait mal. Y’a une boule de nerfs. Il s’allume une clope, une Marlboro. C’est son père qui fumait ça. A douze ans, il se souvient lui en avoir volé une avec James. C’est comme ça qu’il a commencé. Douze ans, c’est jeune. Les lèvres de l’homme s’étirent dans un sourire triste. D’abord son père, puis James et maintenant Ma. Dax se sent seul, presque abandonné. Ce sentiment lui tord le ventre. Il n’a plus de repère, devra se débrouiller par lui-même à partir de maintenant. La ville qui n’est qu’à quelques rues de là, lui offre des opportunités. Des gens à rencontrer. De nouveaux amis à se faire. Dax n’ira pas. Il sait comment sont perçus les Hunter en ville. Comment l’âme de son père traumatise encore les gamins alors qu’il s’est mangé une balle au combat. La guerre, ça l’a libéré Dax même s’il a regretté son père. La bicoque face à lui est branlante, vieille, presque plus en état. Dax a bien tenter de la rafistoler au fil des années, à clouer des planches là où les carreaux se sont brisés à cause du vent ou de certains enfants perdus. La porte grince, elle coince une fois sur deux, et il faut s’y prendre à deux mains pour l’ouvrir. Les planches de bois vert sauge sont délavées. La maison familiale ressemble à une maison hantée. Les carcasses de voitures et les décombres métalliques ne rendent pas l’endroit accueillant, mais c’est chez lui. Dax se retourne et son regard passe du bus scolaire qu’il a récupéré à la maison. Réflexion. Il peut avoir un chez lui maintenant. C’est ce qu’il se dit. Chaque recoin de la maison porte l’odeur de sa mère. Il la voit partout.
La décision est prise.

Passion billard et verres de houblon ; produit sa propre bière ; vit dans un bus scolaire qu'il a retapé sur le terrain familial ; n'a jamais remis un pied dans la maison de son enfance, elle est à l'abandon ; rêve de beaucoup de choses, mais manque de confiance en lui ; il préfère être à l'extérieur qu'à l'intérieur ; voulait devenir fleuriste ; gamin solitaire et peu doué à l'école ; surnommé le tordu ou le pouilleux ; a quitté l'école à 16 ans ; a chanté dans la chorale de l'église et a appris la guitare acoustique ; passion feu de bois et marshmallow le vendredi soir ; se sent toujours mal à l'aise quand il doit aller en ville ; craint les autres pour des raisons qui n'en sont pas ; a envie de vivre et de rencontrer des personnes, mais se sent gauche et ne sais pas comment faire ; aimerait retourner à l'église ; adore les origamis ; craque ses doigts quand il est nerveux ; a les ongles rongés à cause de son anxiété ; beaucoup d'insomnies ; réfléchit trop ; pensée en arborescence ; a eu une copine pendant un été, une jeune fille qui était au camping pour les vacances ; aime se poser près de la mer sur les rochers ; se nourrit de chasse et de pomme de terre ; nul en cuisine ; n'a jamais été au restaurant ; passion fleurs et en connait leur langage ; a un goût amer dans la bouche depuis le départ de James ; ne s'est jamais vraiment senti à sa place quelque part ; en manque de sociabilité ; possède un pick-up marron cabossé ; souffre des rumeurs sur sa famille.